Texture d’être.

La texture d’être, est cet être vivant, ce centre de vie à partir duquel, se déroule la pelotte de l’existence, nous emportant dans une fuite qui ne craint pas de perdre le fil. Ainsi se tissent les jours heureux et les mauvais, derrière lesquels nous sommes toujours embusqués, en partance et déjà de retour, êtres de paix et de silence, émerveillés de nos propres tissages. La fausse couture ne perturbe pas l’aiguille qui la noue et la dénoue, et l’écharpe qui doit couvrir la nuque la plus fragile ne manque pas de faire oublier l’artiste d’où elle jaillit. En marche à travers les liens qui tiennent lieu de repères, les croche-pattes assouplissent ou durcissent le leste que nous nous offrons ; Et voici qu’à l’aube de lâcher le fil, c’est le fil qui nous tient.

Tissés de nœuds qui donnent l’apparence d’une épaisseur et d’une consistance, les pieds ne manquent pas de se prendre dedans et c’est ce qui est nommé le mauvais jour. Le déroulement de la ligne poursuit son chemin privilégié de temps et d’espace, et tandis que notre regard se porte toujours en avant, l’œil lui, n’a pas bougé d’un pouce. Ce mouvement linéaire nous amène en des contrées lointaines où les décors tantôt majestueux et tantôt effrayants, induisent ici une pause, et là un virage complet. Dans le repos du cœur, il n’y a personne pour tenir bon et venir à bout du bout de fil, et c’est dans l’oubli de l’effort à tirer la laine en avant, que la pelotte retourne à la main de celui d’où elle se déployait dès le premier souffle.

Le voyageur est celui qui traverse les tissages et les prétendus liens, remonte à l’envers le fil et tombe sur la pure texture d’être, à l’extrême rebord de lui-même. Il se rappelle alors le point qui précède la ligne, et tandis qu’il cherche encore cet ultime lieu secret, il regarde son corps qui lui apparaît fait de cette même texture ; Il lève les yeux au ciel, et n’en perçoit que cela ; matière primordiale déroulée dans l’infini des possibles, toile d’araignée immense, dont il s’est cru le tisseur. Sa course suspendue, il pénètre sa propre présence. La mouvance du regard fascinée par tant de contours et de directions n’a jamais fait autre chose que suivre des yeux tout ce que le fil texturé et vivace de l’existence à tricoté dans ses rêves ;

Embusqués en amont de tous les paysages, nous sommes texture unique sans second, expression multiple sans pareil, vie silencieuse et sans utilité, intouchable et intouchée, vierge et innocente, à chaque instant recommencée telle une feuille blanche contenant tous les Hommes, où l’inscription d’un nom ne peut se faire que par un jeu d’ombre projeté ici par sa propre lumière.

Gaëlle

"...il regarde son corps qui lui apparaît fait de cette même texture ; Il lève les yeux au ciel, et n’en perçoit que cela ; matière primordiale déroulée dans l’infini des possibles, toile d’araignée immense, dont il s’est cru le tisseur..."

Gaëlle

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