Lettre à mon fils

Publié le 8 Juillet 2014

Dialogue avec Benjamin et LETTRE A MON FILS.


"Benjamin 3 ans et maman:
- Il est mort ton papa ?
- Oui, il est mort.
- Est-ce qu'il est mort parce qu'il était méchant ?
- Non, il n'était pas méchant.


- Tu veux une magie, maman ?
- Oui ...
- Je suis un magicien, et je vais transformer ton papa mort, en papa pas mort ! Abracadabra ! Voilà ! Tu as de nouveau un papa pas mort, maman. Tu vois, je t'ai dit la vérité.
- Oui."


Mon garçon,
Lorsque tu me parles de mon papa, tu trouves une tristesse dans mes yeux;
Elle vient de ce que tes mots se jettent impassiblement dans un vide.
Tes mots pleins d'amour, de tendresse et de pureté sont précipités dans le néant dès lors qu'ils quittent ta petite bouche sucrée.
Car pour que je les réceptionne, il me faudrait comme à la pierre jetée dans l'eau qui fait onduler la surface, qu'au mot "papa" existe en moi une substance, une matière, un support de reconnaissance, et je demeure comme un étang vide, une falaise sans pierre depuis laquelle aucun écos ne peut résonner.
De mon papa, je ne connais pas l'inconnaissable que cela est, pour ma vie circonscrite à mes expériences; Ni de papa mort, ni de papa pas mort.
Je ne connais de cette image, que l'amour jaillissant de la bouche de ceux qui en parlent; Je n'en connais que leur évocation, je n'en perçois que ton expérience propre, et cela m'illumine, et illumine le vide. Le vide de l'absence contemplée au travers de la vitre opaque de la mort.
La mort ne m'est pas plus connaissable que mon papa dont le mot ne trouve pas de reflet. J'associe pour toi à la manière d'un physicien fou ces deux absences, ces deux vides, et il ne naît pas de réponse. L'équation est infinie.
Pourtant, de ta voix fragile et sensible, ce mot semble être aussi beau que le ciel, et je te vois me le désigner sans que jamais je ne puisse traverser avec toi le mur de mon ignorance vers les terres fertiles de ton vécu.
Aveugle, je souris à ce paysage que je ne découvre pas mais dont je suis éperdument amoureuse par le seul goût qu'il prend au sel de ton geste.
Je voudrais connaître la tristesse de l'absence qui me prouverait à coup sûr, la tendresse de cette présence.
Certains luttent contre les croyances mon garçon, petit à petit, le monde se libère et s'élève par la légèreté qu'il gagne de ce dénuement, parce que ce monde apprend à vivre depuis la réalité plutôt que depuis ses certitudes;
Pourtant, par ta naissance à toi, et celle de ton frère, et parce que je vous crois, j'ai appris le chagrin de mon papa mort. J'ai appris la joie de mon papa pas mort. Par votre vie virulente, brûlante et indomptable j'ai appris parce que je vous crois, que mourir est triste, que vivre est heureux.
Je n'apprends de la vie que par ce qu'elle me touche en plein; Mais j'ai appris aussi de la vie par ce goût de croire, de vous croire, qui me vient dès lors que je vois votre coeur dans vos certitudes.
Je n'ai ni papa, ni d'absence de papa dans ma vie. Je n'ai ni peine ni absence de peine. Je trouve simplement un espace où tombent tes mots, et cet espace sans idée, sans association, sans pensée, est l'espace où mon papa peut vivre.
Oui, tu es un magicien. Et je crois ta magie comme la plus noble vérité.

Rédigé par Gaëlle

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