La main

La journée se termine, et tout se retrouve lié, empaqueté, ficelé.
C'est que cette tenue, cette saisie, ramène à la main qui tient.
Qui est-t-elle ?
Qui est-ce que ce merveilleux mystère capable de tenir le sable entre deux doigts,
manger le souffle à chaque inspir,
redessiner les images pulsatiles tout autour ?
Qui est-t-elle, celle-là qui lie, tient, entretien, ouvre et entre-ouvre tout l'insensé de l'humanité pour lui en donner direction ?
Qui est-t-elle, celle oubliée serrant, agrippant, accrochant et encerclant d'une main de fer
les pollens sauvages de l'existence ?
Qui est-t-elle enfin qui essaie de me nomme par son nom,
qui raconte par mes mots,
qui réfléchit par mon intelligence,
et qui vient aussi pleurer à l'eau de ma poitrine ?
Qui est-t-elle, cette douce amère, pleine de rêve,
vacillante comme la flamme,
lumineuse dans la nuit noire et absente en pleine lumière ?
Qui est-t-elle cette main qui cherche de sa paume à toucher sa paume, de son doigt à toucher son doigt, et de son mouvement à embrasser le mouvement ?
Qui est-t-elle cette danseuse du vide et de l'infini, cette funambule au regard replié et sans origine,
cette brisure de l'océan, cet éclat d'homme, cette vitre trouée,
cette mâchoire sans force, cette mère stérile,
cette main de ciel ?
ah...Cette main de ciel.
C'est qu'avant de tenir bon, le bon tenait son poignet, et ce poignet tenu était le même que le poignet tenant.
Car, il ne peut y avoir de main sans corps, ni de corps qui ne soit engendré, ni d'engendrement sans cause, ni de cause suprême qu'on ne puisse admirer sans qu'elle ne descende du ciel par une main tendue depuis la terre et perçant l'univers.
Que je sois ciel, que je sois main, n'importe peu.
Ce qui importe, c'est qu'un matin, ou un soir, à l'aube ou au crépuscule, au moins une fois,
la main s'ouvre aussi large que le ciel.

(Texte dédié à toutes les mains aussi ouvertes que celles d'un ami gardien de la justesse et de la droiture du verbe.)