rescapée

Je suis juste rescapée, parce qu'en dépit des déchirures, des brisures, des fêlures et des brûlures parfois même de l'amour, j'aime encore, je me passionne et je m'emballe, je pars dans tous les sens, j'espère et j'adore.
Je suis juste rescapée, parce que mes histoires tragiques, dramatiques et mélancoliques sont comme des fantômes dansant dans le ciel de mes nuits, ces histoires tissent mes rêves, elles me tiennent chaud, et je les tiens par le cordon des mémoires, comme un enfant tient le fil de son ballon.
Je suis juste une rescapée de la trahison, de la decèption, du traumatisme, parce qu'un inexplicable sentiment de confiance se déploie dans mon coeur quand je croise un homme souriant, quand je croise une femme souriante et que je ressens: mon semblable.
Je suis rescapée aussi parce que dans la peur, la violence et la haine, dans le visage verrouillé à double tour, je ressens: mon semblable.
Je suis rescapée de toutes les limites, les règles, les valeurs et la morale qui me rognent les ailes, me coupent de mes élans, m'inhibent dans tout mon être, parce qu'il arrive encore que je m'insurge et que mon poing se lève avant qu'il ne se ferme.
Je suis rescapée d'un monde cruel, egoïste, sans pitié, parce qu'il m'arrive de rêver à ce qu'il soit différent, de rêver à le changer et ô comble, d'anéantir la souffrance, la mienne et la tienne. Oui, je suis rescapée de cette mort qui consiste à ne plus rêver de rien.
Je suis rescapée de beaucoup de poisons qui coulent dans mes veines, parce qu'en dépit de tout mon orgueil, de tout mon savoir, de ma grande intelligence, de ma grande spiritualité, de mes expériences de conscience, et bien je ne sais toujours fichtre rien de cette chose qui me brûle entre les côtes quand je tombe amoureuse du petit jour; Et qui mérite que je vive et meurs plus de mille vies pour en connaître une seule fois son intimité et son innocence.